Bernard Thibault, Secrétaire général de la Cgt
Le Premier ministre cherche à anticiper sur un climat qu’il perçoit comme difficile. C’est une conséquence directe des évènements du premier semestre. On ne dira jamais assez combien la victoire sur le CPE a modifié une partie de la donne sociale.
Bernard Thibault, chaque rentrée sociale comporte des spécificités. N’est-il pas étonnant de voir le Premier ministre et le gouvernement passer à l’offensive sur le terrain social ?
Le Premier ministre cherche à anticiper sur un climat qu’il perçoit comme difficile. C’est une conséquence directe des évènements du premier semestre. On ne dira jamais assez combien la victoire sur le CPE a modifié une partie de la donne sociale. Un de ses premiers effets avait été d’éliminer du calendrier, la réforme programmée du contrat de travail. L’autre effet concerne l’appréciation que les salariés portent sur la situation sociale. L’appétit venant en mangeant, après avoir contesté la généralisation de la précarité, d’autres attentes, d’autres impatiences s’expriment. C’est particulièrement vrai de l’évolution du pouvoir d’achat. Nous y avons contribué en engageant, dès le mois de juin, une campagne sur les salaires, dominée par l’exigence d’une revalorisation immédiate du Smic à hauteur de 1500 euros mensuels.
Etes-vous satisfait des mesures proposées ?
Il faut distinguer la posture politique et le contenu des mesures. Après des jours et des semaines d’autosatisfaction gouvernementale sur le taux de croissance, la baisse du chômage, la progression des salaires, en total décalage avec la réalité vécue par des millions de nos concitoyens, le Premier ministre est intervenu en des termes parfois surprenants. Il reconnaît implicitement l’existence d’un problème de pouvoir d’achat.
L’instauration d’un chèque transport répond-elle partiellement à l’une de vos demandes ?
Nous n’avons eu de cesse de soulever le problème, singulièrement depuis le choc pétrolier de l’été 2005. Jusqu’à présent, le gouvernement se contentait de convoquer les compagnies pétrolières pour leur demander d’être raisonnables. On connaît le résultat ! Le Premier ministre propose maintenant la création d’un chèque transport. A ce stade, la mesure reste virtuelle, puisque d’application est facultative. Il est impensable de laisser à la seule bonne volonté des employeurs, la compensation de la hausse du coût des transports. La grande masse des salariés pourrait en être privée. D’autres part, les sommes annoncées, notamment pour ceux contraints d’utiliser leurs véhicules personnels pour se rendre au travail, 100 euros/an, sont sans rapport avec les surcoûts supportés.
En revanche, la revalorisation de la prime pour l’emploi est conséquente ?
Pour les millions de salariés qui bénéficient de cette mesure – en raison de leurs très faibles revenus - il est évident que toute augmentation est la bienvenue. Mais il ne faudrait pas oublier qu’une nouvelle fois l’Etat se substitue aux employeurs qui refusent d’augmenter les salaires. Cette même logique se retrouve dans le projet de suppression des dernières cotisations sociales patronales sur le Smic, dans les entreprises de moins de 20 salariés. Elle intervient au moment même où la Cour des comptes pointe, dans un rapport remis aux parlementaires, la disproportion existante entre le niveau des exonérations de cotisations sociales des entreprises - 26 milliards d’euros - et l’impact réel sur l’emploi.
Qu’espérez-vous de la conférence annoncée pour la fin de l’année sur les revenus et l’emploi ?
Ce n’est pas la conférence en soit qui va régler les problèmes. Une intense bataille idéologique est même à prévoir pour tenter de justifier les politiques sociales à l’œuvre. On connaît le discours ! Au nom de la mondialisation, de la compétitivité de la France, il faudrait que les salariés acceptent de travailler plus pour gagner moins, d’être plus flexibles. Le Medef mène campagne sur ce thème en cette rentrée, relayé de manière spectaculaire par le président de l’UMP. Nicolas Sarkozy vient de fustiger les 35 heures, le droit de grève, pour prôner « la rupture » avec une politique qu’il juge encore trop sociale. Nous n’attendrons pas l’arme au pied que le gouvernement prenne des mesures favorables aux salariés.
Vous allez prendre des initiatives ?
Avec nos fédérations et nos unions départementales réunies le 31 août, nous avons décidé de nous placer résolument à l’offensive. Dès les premiers jours de septembre, nous avons engagé le débat avec les salariés sur ces questions de salaires, de pouvoir d’achat. Nous déciderons avec eux des modalités d’action pour déboucher le plus vite possible, dans chaque entreprise, chaque secteur professionnel sur des négociations et des augmentations de salaires. C’est en créant cet environnement revendicatif que nous permettrons à l’opinion des salariés de peser sur cette conférence.
Ne craignez-vous pas que le contexte électoral ne relègue les réponses aux attentes sociales à l’après présidentielles ?
Le risque existe. En cette rentrée, des partis politiques dont c’est la vocation entrent en compétition en vue des élections présidentielles. Ils se préparent pour ce rendez-vous et pour certains, laissent entendre que rien ne peut, ou ne pourrait, s’envisager avant l’élection. Comme syndicat, cette approche ne peut nous satisfaire. En matière d’emploi, comme de pouvoir d’achat, nous souhaitons obtenir des résultats immédiats.
Pour autant la Cgt ne se désintéresse pas de ce rendez-vous électoral. Nous sommes régulièrement sollicités par des partis politiques pour des échanges de vues. Dans un contexte électoral, certains pourraient être tentés de rechercher un soutien sinon explicite, du moins implicite à leur programme ou à leur candidat. Notre dernier congrès a clairement réaffirmé notre démarche. Nous excluons toute co-élaboration de programme ou tout soutien particulier. Cela ne nous empêchera pas, le moment venu, d’exprimer nos attentes ou de livrer notre opinion sur les grands enjeux sociaux à l’occasion de l’élection. Mais, j’insiste, la meilleure manière de placer les questions sociales au cœur du débat politique consiste à agir sans attendre pour la satisfaction des revendications.
Des convergences entre confédérations sont elles envisageables ?
Nous l’avons vérifié ensemble cette année : l’unité est un facteur d’efficacité. Des contacts unitaires ont déjà eu lieu dans quelques secteurs professionnels. Ils débouchent parfois, comme dans le secteur public, sur des premiers rendez-vous revendicatifs. Lorsque j’écoute les déclarations des autres dirigeants sur la situation des salaires et du pouvoir d’achat, j’ai la conviction que nous avons des choses à faire ensemble. Je souhaite qu’à tous les niveaux, la Cgt soit parmi les initiateurs d’échanges en faveur de mobilisations unitaires. Cela peut par exemple s’appliquer au contrat nouvelle embauche (CNE). Nous devons réunir les conditions pour interrompre les recrutements en CNE et faire disparaître ce contrat du Code du travail.
Vous avez également été reçu le 30 août par Gérard Larcher sur l’avenir du dialogue social. Vos attentes en la matière sont-elles entendues ?
Le gouvernement tente de redorer son blason sur la nature des relations qu’il entretient avec les syndicats. Il entend discuter avec les syndicats de la manière d’améliorer ce qu’il nomme le dialogue social. Je note, dans le même temps, que les actes continuent de contredire l’affichage. S’agissant du chèque transport, des allègements de cotisations, le gouvernement procède toujours par des décisions unilatérales. De surcroît, il se contente d’aborder les questions de procédures, sans s’attaquer aux problèmes de fond permettant d’avancer vers une véritable démocratie sociale. Il refuse de débattre des problèmes de libertés, de représentativité syndicale et les règles de validation des accords. Tous les salariés devraient bénéficier d’élections professionnelles, mesurant la représentativité des syndicats et permettant la validation d’accords, dès lors qu’ils sont soutenus par des organisations représentant la majorité des salariés du champ considéré. Nous devons être exigeant et vigilant, d’autant que le gouvernement pourrait être tenté de reprendre une revendication centrale du Medef. Ce dernier souhaite retirer au Parlement son rôle de législateur dans le domaine social dès qu’un accord est conclu entre le patronat et une partie des syndicats. Cela reviendrait à confier aux patrons le soin de rédiger la loi.
Autre dossier, peut-être le plus brûlant de cette rentrée, GDF. Le Parlement a engagé le 7 septembre le débat sur la privatisation de l’entreprise publique. Est-il encore possible de faire machine arrière ?
On peut toujours peser sur le cours des évènements. Nous avons poursuivi pendant l’été, avec la fédération Mines –Energie et plusieurs de nos organisations territoriales, notre travail d’information du public. De nombreuses initiatives accompagnent le débat parlementaire. Le 7 septembre, 63 % de salariés de GDF ont répondu à la consultation organisée par les fédérations Cgt et Fo. 94 % ont condamné la privatisation. Ce 12 septembre des milliers de salariés, mais aussi d’usagers, ont manifesté pour s’opposer à ce projet. Et ce n’est pas fini ! Nous avons tout entendu pour tenter de justifier cette privatisation. Le Premier ministre a d’abord expliqué qu’elle empêcherait Suez d’être victime d’une OPA hostile. Elle devait ensuite permettre d’augmenter les capacités de financement insuffisantes de GDF. Pour finir, les présidents de GDF et de Suez ont affirmé qu’ils travaillaient depuis des mois sur ce projet, qui ne répondait pas à une actualité immédiate. Bref, l’improvisation domine pour adopter une décision lourde de conséquence pour le pays. Les tensions qui existent sur la planète pour s’approprier les réserves énergétiques et contrôler les approvisionnements suffisent à démontrer que nous n’avons pas à faire à une marchandise comme une autre. L’énergie est un bien public, essentiel au développement économique et humain. Faut-il s’en remettre aux seules lois du marché et condamner soixante années d’efforts pour que notre pays maîtrise son approvisionnement énergétique et garantisse une égalité d’accès et des tarifs parmi les plus bas d’Europe à nos concitoyens ? C’est une évidence, le consommateur serait naturellement le grand perdant de l’affaire.
La CGT prône-t-elle le Statu quo ?
Non ! Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous nous exprimons en faveur d’une autre approche des politiques énergétiques aux niveaux français et européen. Nous formulons des propositions en faveur de la constitution en France d’un pôle public de l’énergie et de la création d’une agence européenne de l’énergie. Tous les experts sont d’accord sur un point : il est urgent d’investir pour préparer l’avenir énergétique de la planète. La France, de part ses outils nationaux, EDF et GDF, peut être un acteur qui compte pour convaincre de l’urgence d’une réorientation des stratégies énergétiques. La déréglementation du marché nous conduit droit au pire des scenari : la pénurie et la hausse des tarifs.
Vous aviez décidé de prolonger, à l’occasion de cette rentrée, les convergences réalisées entre lycéens, étudiants et salariés à l’occasion de la bataille contre le CPE. Quelles formes cela prend-il ?
Nous allons faire en sorte, dans nos assemblées et meetings de rentrée, de réserver une place de choix aux réalités vécues par la jeunesse. Nous n’avons pas le droit de décevoir les jeunes de notre pays qui, nous l’avons vérifié, ne sont pas fermés à l’idée d’action collective. Ils ont démontré qu’ils pouvaient répondre présent, s’engager avec des dimensions militantes très affirmées, sur la base de démarches de construction des mobilisations très comparables aux nôtres. Je pense à la gestion des assemblées générales, des débats, à la lucidité dont ils ont fait preuve pour éviter de tomber dans le piège des provocations qui n’ont pas manqué. Parce qu’ils sont souvent exclus du travail, ou n’en connaissent souvent que la précarité, ils font preuve d’une grande maturité et portent un regard très aiguisé sur les réalités économiques et sociales du pays. Nous avons un devoir de continuité. Il nous revient d’ouvrir en grand nos portes pour celles et ceux qui voudraient ne pas attendre pour s’engager dans la Cgt.
En novembre naîtra une nouvelle internationale syndicale, marquant un tournant dans l’unification du syndicalisme mondial. La CGT en fera-t-elle partie ?
Pendant longtemps le mouvement syndical s’est divisé sur la base d’approches idéologiques différentes. Du fait de ses divisions, il n’a pas été en capacité de contrarier la logique libérale, d’imposer des régulations, de réorienter la mondialisation et de construire les solidarités dont les salariés ont besoin. Il reste encore des différences sur l’ampleur, la nature, les moyens de parvenir à des modifications des mécanismes économiques, mais le rassemblement en cours du syndicalisme mondial dans une nouvelle internationale devrait nous permettre de travailler à la définition de revendications communes pour peser plus efficacement sur les institutions internationales. Lors de notre congrès, les délégués ont approuvé notre engagement dans le processus de constitution de cette organisation syndicale. Maintenant, nous devons prendre la décision politique de nous déclarer effectivement adhérent. C’est ce que décidera très certainement notre Comité confédéral national de septembre.
Bernard Thibault, chaque rentrée sociale comporte des spécificités. N’est-il pas étonnant de voir le Premier ministre et le gouvernement passer à l’offensive sur le terrain social ?
Le Premier ministre cherche à anticiper sur un climat qu’il perçoit comme difficile. C’est une conséquence directe des évènements du premier semestre. On ne dira jamais assez combien la victoire sur le CPE a modifié une partie de la donne sociale. Un de ses premiers effets avait été d’éliminer du calendrier, la réforme programmée du contrat de travail. L’autre effet concerne l’appréciation que les salariés portent sur la situation sociale. L’appétit venant en mangeant, après avoir contesté la généralisation de la précarité, d’autres attentes, d’autres impatiences s’expriment. C’est particulièrement vrai de l’évolution du pouvoir d’achat. Nous y avons contribué en engageant, dès le mois de juin, une campagne sur les salaires, dominée par l’exigence d’une revalorisation immédiate du Smic à hauteur de 1500 euros mensuels.
Etes-vous satisfait des mesures proposées ?
Il faut distinguer la posture politique et le contenu des mesures. Après des jours et des semaines d’autosatisfaction gouvernementale sur le taux de croissance, la baisse du chômage, la progression des salaires, en total décalage avec la réalité vécue par des millions de nos concitoyens, le Premier ministre est intervenu en des termes parfois surprenants. Il reconnaît implicitement l’existence d’un problème de pouvoir d’achat.
L’instauration d’un chèque transport répond-elle partiellement à l’une de vos demandes ?
Nous n’avons eu de cesse de soulever le problème, singulièrement depuis le choc pétrolier de l’été 2005. Jusqu’à présent, le gouvernement se contentait de convoquer les compagnies pétrolières pour leur demander d’être raisonnables. On connaît le résultat ! Le Premier ministre propose maintenant la création d’un chèque transport. A ce stade, la mesure reste virtuelle, puisque d’application est facultative. Il est impensable de laisser à la seule bonne volonté des employeurs, la compensation de la hausse du coût des transports. La grande masse des salariés pourrait en être privée. D’autres part, les sommes annoncées, notamment pour ceux contraints d’utiliser leurs véhicules personnels pour se rendre au travail, 100 euros/an, sont sans rapport avec les surcoûts supportés.
En revanche, la revalorisation de la prime pour l’emploi est conséquente ?
Pour les millions de salariés qui bénéficient de cette mesure – en raison de leurs très faibles revenus - il est évident que toute augmentation est la bienvenue. Mais il ne faudrait pas oublier qu’une nouvelle fois l’Etat se substitue aux employeurs qui refusent d’augmenter les salaires. Cette même logique se retrouve dans le projet de suppression des dernières cotisations sociales patronales sur le Smic, dans les entreprises de moins de 20 salariés. Elle intervient au moment même où la Cour des comptes pointe, dans un rapport remis aux parlementaires, la disproportion existante entre le niveau des exonérations de cotisations sociales des entreprises - 26 milliards d’euros - et l’impact réel sur l’emploi.
Qu’espérez-vous de la conférence annoncée pour la fin de l’année sur les revenus et l’emploi ?
Ce n’est pas la conférence en soit qui va régler les problèmes. Une intense bataille idéologique est même à prévoir pour tenter de justifier les politiques sociales à l’œuvre. On connaît le discours ! Au nom de la mondialisation, de la compétitivité de la France, il faudrait que les salariés acceptent de travailler plus pour gagner moins, d’être plus flexibles. Le Medef mène campagne sur ce thème en cette rentrée, relayé de manière spectaculaire par le président de l’UMP. Nicolas Sarkozy vient de fustiger les 35 heures, le droit de grève, pour prôner « la rupture » avec une politique qu’il juge encore trop sociale. Nous n’attendrons pas l’arme au pied que le gouvernement prenne des mesures favorables aux salariés.
Vous allez prendre des initiatives ?
Avec nos fédérations et nos unions départementales réunies le 31 août, nous avons décidé de nous placer résolument à l’offensive. Dès les premiers jours de septembre, nous avons engagé le débat avec les salariés sur ces questions de salaires, de pouvoir d’achat. Nous déciderons avec eux des modalités d’action pour déboucher le plus vite possible, dans chaque entreprise, chaque secteur professionnel sur des négociations et des augmentations de salaires. C’est en créant cet environnement revendicatif que nous permettrons à l’opinion des salariés de peser sur cette conférence.
Ne craignez-vous pas que le contexte électoral ne relègue les réponses aux attentes sociales à l’après présidentielles ?
Le risque existe. En cette rentrée, des partis politiques dont c’est la vocation entrent en compétition en vue des élections présidentielles. Ils se préparent pour ce rendez-vous et pour certains, laissent entendre que rien ne peut, ou ne pourrait, s’envisager avant l’élection. Comme syndicat, cette approche ne peut nous satisfaire. En matière d’emploi, comme de pouvoir d’achat, nous souhaitons obtenir des résultats immédiats.
Pour autant la Cgt ne se désintéresse pas de ce rendez-vous électoral. Nous sommes régulièrement sollicités par des partis politiques pour des échanges de vues. Dans un contexte électoral, certains pourraient être tentés de rechercher un soutien sinon explicite, du moins implicite à leur programme ou à leur candidat. Notre dernier congrès a clairement réaffirmé notre démarche. Nous excluons toute co-élaboration de programme ou tout soutien particulier. Cela ne nous empêchera pas, le moment venu, d’exprimer nos attentes ou de livrer notre opinion sur les grands enjeux sociaux à l’occasion de l’élection. Mais, j’insiste, la meilleure manière de placer les questions sociales au cœur du débat politique consiste à agir sans attendre pour la satisfaction des revendications.
Des convergences entre confédérations sont elles envisageables ?
Nous l’avons vérifié ensemble cette année : l’unité est un facteur d’efficacité. Des contacts unitaires ont déjà eu lieu dans quelques secteurs professionnels. Ils débouchent parfois, comme dans le secteur public, sur des premiers rendez-vous revendicatifs. Lorsque j’écoute les déclarations des autres dirigeants sur la situation des salaires et du pouvoir d’achat, j’ai la conviction que nous avons des choses à faire ensemble. Je souhaite qu’à tous les niveaux, la Cgt soit parmi les initiateurs d’échanges en faveur de mobilisations unitaires. Cela peut par exemple s’appliquer au contrat nouvelle embauche (CNE). Nous devons réunir les conditions pour interrompre les recrutements en CNE et faire disparaître ce contrat du Code du travail.
Vous avez également été reçu le 30 août par Gérard Larcher sur l’avenir du dialogue social. Vos attentes en la matière sont-elles entendues ?
Le gouvernement tente de redorer son blason sur la nature des relations qu’il entretient avec les syndicats. Il entend discuter avec les syndicats de la manière d’améliorer ce qu’il nomme le dialogue social. Je note, dans le même temps, que les actes continuent de contredire l’affichage. S’agissant du chèque transport, des allègements de cotisations, le gouvernement procède toujours par des décisions unilatérales. De surcroît, il se contente d’aborder les questions de procédures, sans s’attaquer aux problèmes de fond permettant d’avancer vers une véritable démocratie sociale. Il refuse de débattre des problèmes de libertés, de représentativité syndicale et les règles de validation des accords. Tous les salariés devraient bénéficier d’élections professionnelles, mesurant la représentativité des syndicats et permettant la validation d’accords, dès lors qu’ils sont soutenus par des organisations représentant la majorité des salariés du champ considéré. Nous devons être exigeant et vigilant, d’autant que le gouvernement pourrait être tenté de reprendre une revendication centrale du Medef. Ce dernier souhaite retirer au Parlement son rôle de législateur dans le domaine social dès qu’un accord est conclu entre le patronat et une partie des syndicats. Cela reviendrait à confier aux patrons le soin de rédiger la loi.
Autre dossier, peut-être le plus brûlant de cette rentrée, GDF. Le Parlement a engagé le 7 septembre le débat sur la privatisation de l’entreprise publique. Est-il encore possible de faire machine arrière ?
On peut toujours peser sur le cours des évènements. Nous avons poursuivi pendant l’été, avec la fédération Mines –Energie et plusieurs de nos organisations territoriales, notre travail d’information du public. De nombreuses initiatives accompagnent le débat parlementaire. Le 7 septembre, 63 % de salariés de GDF ont répondu à la consultation organisée par les fédérations Cgt et Fo. 94 % ont condamné la privatisation. Ce 12 septembre des milliers de salariés, mais aussi d’usagers, ont manifesté pour s’opposer à ce projet. Et ce n’est pas fini ! Nous avons tout entendu pour tenter de justifier cette privatisation. Le Premier ministre a d’abord expliqué qu’elle empêcherait Suez d’être victime d’une OPA hostile. Elle devait ensuite permettre d’augmenter les capacités de financement insuffisantes de GDF. Pour finir, les présidents de GDF et de Suez ont affirmé qu’ils travaillaient depuis des mois sur ce projet, qui ne répondait pas à une actualité immédiate. Bref, l’improvisation domine pour adopter une décision lourde de conséquence pour le pays. Les tensions qui existent sur la planète pour s’approprier les réserves énergétiques et contrôler les approvisionnements suffisent à démontrer que nous n’avons pas à faire à une marchandise comme une autre. L’énergie est un bien public, essentiel au développement économique et humain. Faut-il s’en remettre aux seules lois du marché et condamner soixante années d’efforts pour que notre pays maîtrise son approvisionnement énergétique et garantisse une égalité d’accès et des tarifs parmi les plus bas d’Europe à nos concitoyens ? C’est une évidence, le consommateur serait naturellement le grand perdant de l’affaire.
La CGT prône-t-elle le Statu quo ?
Non ! Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous nous exprimons en faveur d’une autre approche des politiques énergétiques aux niveaux français et européen. Nous formulons des propositions en faveur de la constitution en France d’un pôle public de l’énergie et de la création d’une agence européenne de l’énergie. Tous les experts sont d’accord sur un point : il est urgent d’investir pour préparer l’avenir énergétique de la planète. La France, de part ses outils nationaux, EDF et GDF, peut être un acteur qui compte pour convaincre de l’urgence d’une réorientation des stratégies énergétiques. La déréglementation du marché nous conduit droit au pire des scenari : la pénurie et la hausse des tarifs.
Vous aviez décidé de prolonger, à l’occasion de cette rentrée, les convergences réalisées entre lycéens, étudiants et salariés à l’occasion de la bataille contre le CPE. Quelles formes cela prend-il ?
Nous allons faire en sorte, dans nos assemblées et meetings de rentrée, de réserver une place de choix aux réalités vécues par la jeunesse. Nous n’avons pas le droit de décevoir les jeunes de notre pays qui, nous l’avons vérifié, ne sont pas fermés à l’idée d’action collective. Ils ont démontré qu’ils pouvaient répondre présent, s’engager avec des dimensions militantes très affirmées, sur la base de démarches de construction des mobilisations très comparables aux nôtres. Je pense à la gestion des assemblées générales, des débats, à la lucidité dont ils ont fait preuve pour éviter de tomber dans le piège des provocations qui n’ont pas manqué. Parce qu’ils sont souvent exclus du travail, ou n’en connaissent souvent que la précarité, ils font preuve d’une grande maturité et portent un regard très aiguisé sur les réalités économiques et sociales du pays. Nous avons un devoir de continuité. Il nous revient d’ouvrir en grand nos portes pour celles et ceux qui voudraient ne pas attendre pour s’engager dans la Cgt.
En novembre naîtra une nouvelle internationale syndicale, marquant un tournant dans l’unification du syndicalisme mondial. La CGT en fera-t-elle partie ?
Pendant longtemps le mouvement syndical s’est divisé sur la base d’approches idéologiques différentes. Du fait de ses divisions, il n’a pas été en capacité de contrarier la logique libérale, d’imposer des régulations, de réorienter la mondialisation et de construire les solidarités dont les salariés ont besoin. Il reste encore des différences sur l’ampleur, la nature, les moyens de parvenir à des modifications des mécanismes économiques, mais le rassemblement en cours du syndicalisme mondial dans une nouvelle internationale devrait nous permettre de travailler à la définition de revendications communes pour peser plus efficacement sur les institutions internationales. Lors de notre congrès, les délégués ont approuvé notre engagement dans le processus de constitution de cette organisation syndicale. Maintenant, nous devons prendre la décision politique de nous déclarer effectivement adhérent. C’est ce que décidera très certainement notre Comité confédéral national de septembre.