Le juge conforte les prérogatives de l’expert du CE en matière de communication de documents


Rédigé le Vendredi 20 Septembre 2013 à 13:57 | Lu 290 fois | 0 commentaire(s) modifié le Vendredi 20 Septembre 2013 14:04



Le juge conforte les prérogatives de l’expert du CE en matière de communication de documents
 
Ni le juge ni l’employeur n’ont à apprécier la pertinence des documents réclamés par l’expert-comptable du CE. Ce principe ne porte cependant pas atteinte au droit constitutionnel à un recours effectif devant le juge. En effet, l’employeur conserve la possibilité de saisir le tribunal de grande instance en cas d’abus de droit caractérisé.
 
Dans un certain nombre de cas, le comité d’entreprise (CE) peut se faire assister d’un expert-comptable rémunéré par l’employeur pour l’examen des informations qui lui sont transmises. Pour exercer sa mission, l’expert a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes (c. trav. art. L. 2325-37).
 
La Cour de cassation a précisé que l’expert-comptable était seul compétent pour identifier les documents nécessaires à l’exercice de sa mission. Ni l’employeur ni même le juge ne peuvent substituer leur appréciation à celle de l’expert-comptable (cass. crim. 23 avril 1992, n° 90-84031, BC V n° 180 ; cass. soc. 5 mars 2008, n° 07-12754, BC V n° 50 ; cass. soc. 18 novembre 2009, n° 08-16260, BC V n° 259 ; cass. soc. 15 décembre 2009, n° 08-18228, BC V n° 286). L’entreprise doit donc communiquer les documents demandés. À défaut, elle peut y être contrainte par le juge des référés (cass. soc. 17 février 2004, n° 02-11404 D).
 
Ce principe connaît néanmoins une limite de bon sens : les documents demandés doivent rester dans le cadre de la mission de l’expert (cass. soc. 16 mai 1990, n° 87-17555, BC V n° 222).
 
Toutes les solutions exposées ci-dessus sont transposables à l’expert-comptable du comité de groupe, celui-ci disposant, grosso modo, des mêmes prérogatives que l’expert-comptable du CE (c. trav. art. L. 2334-4).
 
Or, une société avait justement critiqué l’étendue de ces prérogatives dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Pour l’employeur, le fait que même le tribunal de grande instance ne puisse pas remettre en cause la pertinence des documents réclamés par l’expert entrait en contradiction avec le droit de recours effectif devant le juge, qui est garanti par la Constitution.
 
La Cour de cassation a refusé de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, dans une décision qui a pour intérêt de synthétiser l’ensemble de la jurisprudence rendue sur le sujet. À notre sens, les principes posés s’appliquent aussi bien à l’expert du comité de groupe qu’à celui du CE.
 
Pour la Cour de cassation, il n’y a pas d’atteinte au droit à agir en justice. En effet, contrairement à ce que soutenait l’employeur dans cette affaire, il est possible de saisir le juge pour contester l’utilité des documents réclamés par l’expert. Cependant, ce recours est étroitement encadré, puisqu’il ne peut être exercé qu’en cas d’abus de droit caractérisé.
 
Cette notion reste à préciser, mais l’on peut penser qu’elle englobe toutes les hypothèses dans lesquelles les informations demandées excèdent manifestement l’objet de la mission de l’expert (cass. soc. 16 mai 1990, n° 87-17555, BC V n° 222). À notre sens, cela couvre aussi le cas, certes plus anecdotique, de l’expert-comptable exigeant de l’entreprise la production de documents qui n’existent pas et qu’elle n’est pas tenue d’établir (cass. soc. 27 mai 1997, n° 95-20156, BC V n° 192).
 
En dehors de l’abus de droit caractérisé, le juge n’a pas le pouvoir de contrôler l’utilité concrète des documents réclamés. Seul l’expert est en mesure de le faire. Ses prérogatives restent donc intactes.
 
Cass. soc. 12 septembre 2013, n° 13-12200 FPB


Dans la même rubrique :