INRS Institut National de Recherche et de Sécurité - 13/07/2011 17:46:11
La réforme sur les retraites introduit plusieurs dispositions dans le Code du travail et le Code de la Sécurité sociale concernant la pénibilité au travail. Certaines de ces mesures renforcent le dispositif de prévention des risques professionnels, avec la prise en compte par les entreprises de facteurs de pénibilité au travail et la mise en place d'actions spécifiques.
La récente réforme des retraites prévoit un certain nombre de mesures concernant la pénibilité au travail (article 60 de la loi 2010-1330 du 9 novembre 2010). Ces mesures ont pour objectifs :
d'assurer une meilleure traçabilité de l'exposition des salariés à certains facteurs de pénibilité,
de permettre un départ à la retraite à 60 ans pour les salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, et ce sous certaines conditions,
de prévenir la pénibilité à travers un accord ou un plan d'action à mettre en oeuvre dans les entreprises.
Ces nouvelles dispositions sont maintenant codifiées dans le Code du travail et le Code de la Sécurité sociale. Certaines viennent renforcer le dispositif de la prévention des risques professionnels, en généralisant l'obligation de prévention de la pénibilité.
Définition de la pénibilité
La pénibilité au travail est maintenant définie dans le Code du travail (article L. 4121-3-1). Elle est caractérisée par une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Ces facteurs (définis à l'article D. 4121-5 du Code du travail) sont liés à des contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail.
Facteurs de pénibilité au travail définis par le Code du travail
Contraintes physiques marquées Manutentions manuelles de charges (article R. 4541-2)
Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations
Vibrations mécaniques (article R. 4441-1)
Environnement physique agressif Agents chimiques dangereux (articles R. 4412-3 et R. 4412-60), y compris les poussières et les fumées
Activités exercées en milieu hyperbare (article R. 4461-1)
Bruit (article R. 4431-1)
Températures extrêmes
Rythmes de travail Travail de nuit dans certaines conditions (articles L. 3122-29 à L. 3122-31)
Travail en équipes successives alternantes
Travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d'une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini
Traçabilité des expositions
Afin d'atteindre cet objectif, le Code du travail (article L. 4121-3-1) mentionne que l'employeur doit consigner dans une fiche : les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé,
la période au cours de laquelle cette exposition est survenue,
les mesures de prévention mises en oeuvre pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période
La fiche est communiquée au service de santé au travail. Elle complète le dossier médical en santé au travail. Une copie est remise au travailleur à son départ de l'établissement.
Accord ou plan d'action pour prévenir la pénibilité
L'obligation de négocier un accord ou d'élaborer un plan d'action est précisée dans le Code de la Sécurité sociale (articles L. 138-29 et L. 138-30). Ce dispositif à visée préventive doit permettre aux salariés exposés à des facteurs de risques de bénéficier d'actions de suppression ou de réduction de la pénibilité, de manière à leur permettre de travailler plus longtemps tout en préservant leur santé. Les entreprises concernées par ce dispositif sont celles de 50 salariés ou plus (ou appartenant à un groupe d'au moins 50), dont plus de la moitié de l'effectif est exposée à un facteur de pénibilité.
Catégories d'entreprises concernées par un accord ou un plan d'action sur la pénibilité
Tous les employeurs de droit privé (quel que soit leur statut juridique : société, association, artisan, profession libérale...)
Entreprises et établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC)
Etablissements publics à caractère administratif pour leur personnel de droit privé
L'accord ou le plan d'action d'entreprise ou de groupe est d'une durée maximale de trois ans (il doit donc être renouvelé à son terme). Il doit notamment aborder au moins un des deux thèmes suivants : la réduction de l'exposition aux facteurs de pénibilité : actions permettant de faire disparaître l'exposition (remplacement d'un produit, suppression d'une tâche...) ou de la réduire (captage à la source, aide mécanique à la manutention...). Toute action collective de prévention est encouragée.
l'adaptation et l'aménagement de postes de travail (par exemple, programmes d'actions correctives sur des postes ciblés, en vue de favoriser le maintien dans l'emploi ou le reclassement de personnes éprouvant des difficultés).
Ce dispositif préventif ne doit pas être confondu avec le dispositif expérimental (prévu par l'article 86 de la loi sur les retraites), qui permet à un accord de branche de prévoir des mesures d'allègement ou de compensation en faveur de salariés exposés à des travaux pénibles pendant une durée minimale (passage à temps partiel, tutorat, attribution de jours de congés supplémentaires...). Les deux dispositifs peuvent en revanche coexister et s'articuler.
Renforcement de la prévention
Outre l'obligation de négocier un accord ou d'élaborer un plan d'action, la loi sur les retraites a généralisé l'obligation de prévention de la pénibilité : en complétant les principes généraux de prévention (article L. 4121-1 du Code du travail) : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent (...) des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ».
en précisant les compétences du CHSCT (article L. 4612-2 du Code du travail): « Le CHSCT (...) procède à l'analyse de l'exposition des salariés à des facteurs de pénibilité ».