Un dialogue social en quête de maturité
Historiquement, le dialogue social hospitalier s’est construit sur une base statutaire : l’administration décide, les représentants du personnel sont consultés. Cette culture verticale a longtemps limité la capacité d’action des organisations syndicales.
Pourtant, le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît le droit à la participation des agents à la gestion de leur service, et l’article 9 du statut général de 1983 en précise la portée : les fonctionnaires participent à l’organisation et au fonctionnement des services publics par l’intermédiaire de leurs représentants.
Mais dans la pratique, la multiplication des instances, la crise sanitaire et la complexité du pilotage en GHT (Groupement hospitalier de territoire) ont fragmenté le dialogue. Les taux de participation aux élections professionnelles en témoignent : à peine 38 % en 2022.
C’est dans ce contexte qu’a émergé la volonté politique de refonder le dialogue social autour d’un axe central : la négociation.
Le cadre juridique : un droit nouveau pour les établissements publics
Le fondement de la négociation collective dans la fonction publique hospitalière repose sur trois textes :
La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui consacre un dialogue social « plus stratégique et efficace » ;
L’ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021, qui inscrit la négociation dans la loi 83 sous l’article 8 ter et ouvre 14 domaines de négociation ;
Le décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021, qui fixe les modalités de négociation, de révision et de dénonciation des accords.
Ces textes donnent aux établissements hospitaliers la possibilité de négocier des accords locaux portant sur :
le temps de travail, la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), la prévention et la santé au travail ;
l’égalité professionnelle, l’insertion des personnes en situation de handicap, la formation, la GPEC ;
la protection sociale complémentaire ou encore l’intéressement collectif.
Certaines négociations sont obligatoires, notamment le plan pluriannuel d’égalité professionnelle.
Toutefois, tout accord doit être majoritaire et soumis au contrôle de légalité du directeur général de l’ARS, dans un délai de deux mois. Ce contrôle porte sur la conformité juridique, non sur l’opportunité des mesures.
La négociation : une culture à construire
Négocier, c’est aller au-delà du rapport de force. C’est admettre que la décision publique n’a plus vocation à être unilatérale, mais co-produite.
Selon le CNEH, quatre niveaux structurent le dialogue social : information, consultation, concertation et négociation. La négociation est la plus aboutie, mais aussi la plus exigeante : elle suppose représentativité, confiance et transparence.
Le document « La négociation sociale » rappelle que la négociation n’est pas seulement un outil de gestion : c’est un outil de transformation. Elle engage les directions et les partenaires sociaux dans un processus de responsabilisation mutuelle, fondé sur l’éthique, la loyauté et la réciprocité des concessions.
La méthode : préparer, conduire et conclure
Une négociation réussie ne s’improvise pas. Trois étapes essentielles :
Préparer
Établir un diagnostic partagé (à partir du Rapport social unique, des enquêtes internes, des audits) ; définir les thématiques et le mandat de négociation ; identifier les acteurs concernés, internes et externes (ARS, GHT, fédérations syndicales).
Conduire
Formaliser un accord de méthode : calendrier, nombre de séances, composition des délégations, règles de communication, appuis d’experts.
La créativité est un atout : multiplier les scénarios, explorer les solutions mutuellement avantageuses, rechercher la convergence plutôt que la victoire.
Conclure
La rédaction d’un texte-martyr (brouillon d’accord) permet de tester les compromis avant validation.
Une fois signé, l’accord doit être publié, expliqué et suivi : mise en place d’un comité de suivi, communication aux cadres et aux agents, identification des indicateurs d’application.
Pourquoi négocier ? Les bénéfices pour les CSE hospitaliers
La négociation permet de réguler les tensions sociales, de mieux approprier les décisions, et de réduire les coûts liés aux contentieux ou aux décisions unilatérales.
Elle favorise aussi la maturité des relations sociales : les élus du CSE deviennent de véritables acteurs stratégiques, capables d’anticiper les réformes et de peser sur les orientations RH.
À l’heure où les hôpitaux traversent des crises multiples (pénurie de personnels, usure professionnelle, réorganisations), la négociation locale représente une voie de résilience et de responsabilité partagée.
Conclusion
Elle suppose de repenser la place du CSE, non plus comme instance de contestation, mais comme acteur de co-construction du service public hospitalier.
Le défi est culturel : passer d’une logique d’opposition à une logique de coopération, où la recherche du compromis devient le moteur d’un dialogue social vivant, au service des agents comme des usagers.
Références juridiques
Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique
Ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique
Décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021
Instruction DGOS du 26 juillet 2021