Un contentieux emblématique des tensions actuelles dans la fonction publique hospitalière
Plusieurs organisations professionnelles de l’intérim et entreprises de travail temporaire ont saisi le Conseil d’État pour demander la suspension en urgence de l’arrêté du 5 septembre 2025.
Elles dénonçaient notamment :
un plafonnement économiquement intenable,
une entrée en vigueur trop rapide,
des atteintes à la liberté contractuelle et à l’égalité de traitement,
et surtout un risque pour la continuité et la qualité des soins.
Ces requêtes visaient à faire reconnaître une situation d’urgence justifiant la suspension immédiate du dispositif.
La réponse du juge des référés : pas d’urgence caractérisée
Le juge des référés rappelle le cadre strict de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative : la suspension d’un acte administratif suppose une atteinte grave et immédiate à une situation ou à un intérêt public.
Après analyse, le Conseil d’État estime que :
les plafonds ont été fixés à partir de données économiques médianes issues d’une enquête préalable,
les difficultés financières invoquées par les entreprises d’intérim ne démontrent pas, à ce stade, une mise en péril immédiate de leur activité,
les perturbations constatées dans certains établissements n’ont pas été jugées suffisantes pour caractériser une rupture avérée de la continuité du service public hospitalier.
En conséquence, la condition d’urgence n’est pas remplie et la suspension est refusée.
Une décision qui ne valide pas pour autant le dispositif sur le fond
Point essentiel pour les élus du CSE : le Conseil d’État ne se prononce pas sur la légalité de fond du plafonnement.
Le juge des référés indique explicitement que :
le rejet est fondé sur l’absence d’urgence,
sans examen du doute sérieux sur la légalité de l’arrêté,
ni sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.
Autrement dit, le contentieux au fond reste ouvert, et les équilibres juridiques ne sont pas définitivement tranchés.
Des impacts directs sur les conditions de travail et l’organisation des services
L’ordonnance met en lumière plusieurs effets concrets déjà observés :
annulations de missions d’intérim,
reports d’interventions programmées,
tensions accrues sur certains métiers et territoires,
réorganisation rapide des plannings.
Même si le juge estime que ces éléments ne caractérisent pas une urgence juridique, ils constituent des signaux faibles majeurs pour les représentants du personnel.
Pour les CSE, ces éléments relèvent pleinement de l’analyse des conditions de travail, de la charge des équipes permanentes et des risques psychosociaux induits.
Quel rôle pour le CSE dans ce contexte ?
Cette décision rappelle indirectement que les transformations budgétaires et réglementaires ne peuvent être traitées uniquement sous l’angle financier.
Les élus du CSE disposent de leviers essentiels :
inscrire les effets du plafonnement à l’ordre du jour des réunions,
analyser les conséquences sur la charge de travail, l’absentéisme et la continuité des soins,
mobiliser la commission SSCT lorsque la santé et la sécurité sont en jeu,
demander des données objectivées sur les impacts réels,
formuler des avis argumentés intégrant la dimension prévention.
Le dialogue social devient ici un outil de régulation indispensable face à des décisions nationales appliquées localement.
Pourquoi cette décision doit alerter les acteurs du dialogue social
L’ordonnance du 23 décembre 2025 illustre une réalité de plus en plus fréquente :
des réformes rapides, juridiquement robustes sur la forme, mais aux effets organisationnels complexes sur le terrain.
Pour les élus, le risque serait de considérer que l’absence de suspension équivaut à une validation totale du dispositif.
Au contraire, la décision invite à renforcer l’analyse, documenter les impacts et structurer le dialogue social, plutôt qu’à attendre l’issue des contentieux.
L’accompagnement des CSE : un enjeu stratégique
Face à ces évolutions, l’accompagnement des élus devient déterminant pour :
décrypter les décisions juridictionnelles,
articuler droit, organisation du travail et santé au travail,
sécuriser les positions du CSE,
et transformer les contraintes réglementaires en sujets de dialogue social structuré.
C’est dans cette logique qu’Instant-CE accompagne les CSE des établissements de santé et médico-sociaux.