Pourvoi devant la Cour de cassation : ce que les élus du CSE doivent comprendre et anticiper


Rédigé le Jeudi 18 Décembre 2025 à 14:02 | Lu 60 fois | 0 commentaire(s) modifié le Jeudi 18 Décembre 2025 14:17


Le pourvoi en cassation demeure souvent perçu comme une procédure lointaine, réservée aux juristes et aux avocats. Pourtant, certaines décisions de la Cour de cassation ont des conséquences directes sur le quotidien des entreprises et sur l’action des représentants du personnel.
L’arrêt rendu le 10 décembre 2025 par la chambre sociale en est une illustration emblématique.

À travers ce pourvoi, la Haute juridiction précise deux points majeurs :

la définition du harcèlement moral lié aux méthodes de gestion,

et la protection renforcée de la vie privée et du secret médical du salarié, allant jusqu’à la nullité du licenciement.

Ces enseignements concernent pleinement les élus du CSE.


Le pourvoi en cassation : un contrôle du droit, pas des faits

Pourvoi devant la Cour de cassation : ce que les élus du CSE doivent comprendre et anticiper

Le pourvoi n’est pas un “troisième degré de jugement”. La Cour de cassation ne rejoue pas le procès : elle vérifie uniquement si les juges du fond ont correctement appliqué la règle de droit.

Dans l’affaire jugée le 10 décembre 2025, l’employeur contestait l’analyse de la cour d’appel ayant reconnu :

l’existence d’un harcèlement moral,

et la nullité du licenciement pour atteinte à une liberté fondamentale.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’analyse juridique de la cour d’appel

pourvoi_n°24-15.412_10_12_2025.pdf  (76.14 Ko)


Harcèlement moral : les méthodes de gestion en ligne de mire

Premier apport essentiel pour les élus du CSE :
la Cour rappelle que le harcèlement moral peut résulter de méthodes de gestion, même si le salarié n’a pas été personnellement et directement “ciblé”.

Dès lors que des pratiques managériales ont pour effet de dégrader les conditions de travail et sont susceptibles d’altérer la santé physique ou mentale, le harcèlement peut être caractérisé.
Cette position s’inscrit dans la continuité de l’article L. 1152-1 du Code du travail, mais elle en renforce la portée opérationnelle.

👉 Pour le CSE, cela signifie que :

les alertes collectives,

les témoignages concordants,

les constats réalisés lors d’inspections SSCT,
peuvent suffire à faire présumer un harcèlement, même sans ciblage individuel explicite.


Secret médical et vie privée : une ligne rouge pour l’employeur

Le second enseignement est particulièrement structurant.
La Cour de cassation rappelle avec force que l’état de santé et les relations du salarié avec son médecin relèvent de sa vie privée, protégée comme liberté fondamentale.

Dans cette affaire, l’employeur avait contacté le médecin traitant de la salariée et utilisé des informations médicales pour justifier le licenciement.
La Cour juge que :

le secret médical couvre toute information connue du médecin,

l’employeur n’a aucun motif légitime pour contacter le médecin traitant,

et un licenciement fondé, même partiellement, sur ces informations est nul de plein droit

 

👉 Pour les élus du CSE, ce point est essentiel :

il rappelle que la protection de la vie privée du salarié constitue un levier juridique fort, mobilisable en cas de dérive managériale ou de procédure disciplinaire abusive.


Quel rôle pour le CSE face à ces situations ?

Cet arrêt confirme la place centrale du CSE dans la prévention et la régulation des situations à risque.

Les élus disposent de plusieurs leviers :

l’analyse des méthodes de management dans le cadre des conditions de travail,

la contribution au DUERP,

les inspections et enquêtes SSCT,

le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits ou à la santé des salariés.

La décision rappelle également que le CSE n’est pas seulement un organe consultatif, mais un acteur de la protection des libertés fondamentales au travail.
 


Une décision à intégrer dans la stratégie du dialogue social

Pour les représentants du personnel, cet arrêt du 10 décembre 2025 constitue un outil de référence.
Il invite les élus à :

porter une vigilance accrue sur les méthodes de gestion,

intégrer la santé mentale dans l’analyse du travail réel,

et structurer leurs interventions avec un argumentaire juridique solide.

Le pourvoi rejeté par la Cour de cassation rappelle ainsi une évidence :
le droit du travail n’est pas abstrait, il se construit à partir des situations de travail et du dialogue social.



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