Santé mentale au travail : pourquoi en parler (et comment agir)

Dimanche 18 Mai 2025

La santé mentale au travail ne se limite pas à l’absence de troubles psychiques ou de souffrance visible. Elle s’ancre dans le vécu quotidien des salarié·es, dans leurs relations, dans l’organisation du travail, et dans le sens qu’ils attribuent à leur activité. En ce sens, elle est autant un objet de santé publique qu’un enjeu de transformation sociale dans l’entreprise.


Le travail peut être soignant… ou pathogène

Santé mentale au travail : pourquoi en parler (et comment agir)

Il est bien établi dans les travaux de psychodynamique du travail que le travail n’est pas neutre : il peut être structurant pour la personnalité, à condition que le sujet puisse y investir son intelligence, sa créativité, sa coopération avec autrui. Mais lorsque les marges de manœuvre disparaissent, lorsque la reconnaissance s’efface ou que les conflits de valeurs s’installent, il devient source de tension, de détresse, voire d’effondrement subjectif.

Or, la tendance actuelle à gérer la santé mentale par le seul prisme des symptômes individuels (anxiété, épuisement, absentéisme) risque de dépolitiser le sujet, en faisant oublier que ce sont souvent les conditions d’exercice du travail qui sont à interroger.


Parler de santé mentale, c’est parler de travail

Agir sur la santé mentale impose donc de comprendre le travail réel – celui que les salarié·es font malgré les prescriptions, malgré les obstacles, et parfois contre les consignes. C’est là que les élus du personnel, les responsables RH et les encadrants ont un rôle central à jouer, à condition qu’ils soient formés et outillés pour aller au-delà des apparences.

Voici quelques outils et approches particulièrement pertinents :

Entretiens qualitatifs pour recueillir les tensions vécues.

Groupes d’analyse du travail pour mettre à jour les écarts entre normes prescrites et activité réelle.

Cartographie collective du travail réel, pour visualiser les impasses, les arbitrages, les ressources cachées.

Autoconfrontations, issues de la clinique de l’activité, pour comprendre comment se construit un geste professionnel.

Lecture organisationnelle des conflits : quels dispositifs empêchent de parler, d’ajuster, de négocier le réel ?

Ces méthodes ont un point commun : elles restaurent la capacité d’expression du sujet au travail. Elles replacent la santé mentale dans une dynamique de parole partagée, de reconnaissance mutuelle et de transformation progressive.


Une responsabilité partagée

Rappelons-le : l’article L4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé physique et mentale des travailleurs. Mais cette obligation n’est pas que juridique : elle renvoie à une responsabilité collective, où chacun – direction, représentants du personnel, managers, services de santé au travail – a un rôle à jouer.

Il ne s’agit pas d’infantiliser les salarié·es ou de médicaliser les rapports professionnels. Il s’agit de donner des repères, des espaces et des moyens pour que le travail puisse redevenir un lieu de développement, et non un lieu de souffrance.


Une priorité nationale, un enjeu local

Le fait que la santé mentale ait été désignée grande cause nationale 2025 doit nous interpeller. Cela ne peut pas rester une déclaration d’intention. Chaque entreprise, chaque établissement, chaque CSE peut et doit se saisir de cette opportunité pour poser des diagnostics, créer des espaces de dialogue, et penser autrement la relation au travail.

En tant que conférencier et praticien engagé, j’ai la conviction que les réponses existent, mais qu’elles supposent d’assumer un changement de posture : moins de contrôle, plus de confiance ; moins d’outils figés, plus d’écoute active ; moins de communication descendante, plus de co-construction.

Pierre DESMONT
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