Faisant le constat des inégalités engendrées par la flexibilité croissante du marché du travail, un rapport du Conseil d'analyse économique, présenté hier à Laurent Wauquiez, préconise des compensations pour les salariés.
Sujets récurrents de la politique économique, la flexibilité du marché du travail et l'instauration d'une sécurisation des parcours professionnels ont été l'occasion d'un débat, hier soir, entre des économistes et le secrétaire d'Etat à l'Emploi, Laurent Wauquiez. Deux économistes membres du Conseil d'analyse économique, Mathilde Lemoine (HSBC France) et Etienne Wasmer (Sciences po Paris-OFCE), ont présenté en séance plénière leur rapport sur « Les mobilités des salariés », sous-titré « Rompre avec la logique d'une flexibilité inégalitaire ».
« Pertes de capital humain »
Avec le développement de l'emploi intérimaire et des CDD, « la flexibilité a augmenté plus vite que la sécurité des travailleurs » , constatent les deux économistes. « Cette situation a permis une plus grande vitesse d'ajustement de l'emploi au cycle d'activité, mais elle a conduit à d'immenses inégalités, qui, au final, réduisent la performance globale du marché du travail » , analysent-ils. Car les salariés flexibles ont peu accès à la formation : « Economiquement, les entreprises n'ont pas intérêt à former les salariés en emploi précaire, dans la mesure où elles ne peuvent espérer rentabiliser cet investissement. » Avec peu d'espoir d'améliorer leur employabilité, les conséquences sont « des pertes de capital humain pour ces travailleurs » et « des sources de pertes de croissance en période de tensions à l'embauche » , pointent les auteurs. Conclusion : qu'elle soit géographique, sectorielle ou professionnelle, la « mobilité choisie » s'avère « nécessaire pour s'adapter aux chocs et pour améliorer la qualité des emplois » .
Bonus-malus
Pour y parvenir, le rapport propose deux mesures principales. D'abord, l'instauration d'un bonus-malus sur les cotisations d'assurance-chômage et les obligations de reclassement, en fonction de la part des salariés formés et du caractère diplômant ou certifiant des formations. Ils reprennent ainsi la logique défendue par certains économistes il y a quelques années d'un bonus-malus sur les licenciements, afin d'internaliser le coût des comportements des entreprises. Celles-ci seraient ainsi davantage responsabilisées sur l'employabilité de leurs salariés, y compris précaires.
Autre proposition phare : généraliser un complément salarial pour les salariés ayant une certaine ancienneté et subissant une perte de salaire en changeant de secteur ou de profession. « Le complément serait versé pendant une durée de douze à vingt-quatre mois, afin de laisser au salarié le temps de réaccumuler du capital humain » , proposent les auteurs, qui suggèrent aussi de développer les aides à la mobilité géographique et d'expérimenter de « nouvelles formes de baux plus souples » pour les chômeurs et les précaires. Le rapport propose aussi de généraliser le contrat de transition professionnelle (CTP) pour les licenciés économiques à l'ensemble du territoire et de l'ouvrir aux intérimaires et aux salariés en fin de CDD.