
A l'heure où se prépare une réforme législative de la négociation collective et où les négociations sur la représentativité des syndicats vont bon train, la Cour de cassation, de son côté, ne ménage pas ses efforts pour introduire plus de démocratie dans la direction des entreprises.
Dans un arrêt du 5 mars 2008, elle vient en effet de décider que la dénonciation d'un accord collectif ne peut intervenir avant que le comité d'entreprise n'ait été consulté, dans la mesure où l'accord en question porte sur un domaine figurant dans ses attributions.
Les sociétés OCE Business et OCE France forment, depuis un jugement du 20 novembre 2003, une unité économique et sociale. Avant ce jugement, chacune d'elles avait conclu, en janvier 2000, un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail qu'elles vont dénoncer, l'une en novembre 2003, l'autre en mars 2004. En novembre 2005, elles consultent le comité d'entreprise commun à propos d'une note de service qu'elles comptent diffuser auprès du personnel et qui régira pour l'avenir la durée du travail dans l'entreprise.
Tollé des syndicats qui reprochent à l'employeur d'avoir agi de façon discrétionnaire et saisissent le juge des référés en vue de faire annuler cette note de service. Constatant que l'accord portait sur la durée du travail et que ce sujet fait expressément partie des thèmes sur lesquels le comité d'entreprise a un droit de regard, la cour d'appel n'annule pas la note de service comme le demandaient les syndicats, mais ordonne son retrait dans les huit jours de la publication de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 1.000 euros par jour.
On comprend que l'employeur soit un peu déconcerté : en effet, l'action des syndicats intervient près de deux ans après la dénonciation des accords ARTT, au moment où il se disposait à mettre en place de nouvelles règles sur lesquelles, justement, il consultait le comité d'entreprise.
Selon lui, en 2003 ou en 2004, il n'y avait pas lieu de solliciter l'avis du CE : en effet, la loi est faite de telle sorte que les effets d'une dénonciation ne se font pas sentir immédiatement. Il faut compter d'abord un préavis de trois mois, puis ce qu'on appelle « le délai de survie » qui dure un an. Au moment donc où il a exercé son droit de dénonciation - car c'en est un -, il n'y avait pas lieu d'en référer au comité, puisque les règles en vigueur dans l'entreprise restaient inchangées.
A ses yeux, donc, ce n'est pas le fait de dénoncer qui doit donner lieu à une consultation, mais le fait de modifier le mode de vie dans l'entreprise. C'est une thèse qui se tient.
Mais celle des syndicats ne manque pas non plus de mérites : pour eux, il importe peu que la dénonciation ait des effets différés, elle porte en germe un changement, et c'est donc avant de passer à l'acte que le chef d'entreprise doit s'adresser pour avis aux représentants du personnel, faute de quoi ils sont mis devant le fait accompli.
De l'information à la consultation
La Cour de cassation opte pour cette façon de voir et proclame que l'employeur doit consulter le comité avant toute dénonciation d'accord. Ce faisant, elle marque une avancée par rapport à ce qu'elle avait dit il y a une quinzaine d'années. Dans un arrêt du 20 octobre 1993, en effet, elle avait jugé que « le caractère discrétionnaire de la dénonciation d'un accord collectif de travail n'était pas incompatible avec l'obligation préalable d'information du comité d'entreprise qui, sans remettre en cause le droit de la dénonciation appartenant aux signataires de l'accord, a seulement pour objet de permettre un échange entre employeurs et représentants des salariés sur les questions en débat ».
On le voit, on est passé de l'information à la consultation, du simple échange de vues à l'expression d'une opinion sur laquelle les membres du comité votent, du débat sans conséquences à la demande d'avis sans laquelle l'opération projetée peut être suspendue par le juge.
La boucle est donc bouclée : le 5 mai 1998, on avait appris, grâce à l'arrêt EDF, que le comité d'entreprise devait être consulté avant la naissance (c'est-à-dire la signature) d'un accord. On sait aujourd'hui qu'il doit l'être aussi avant sa mort annoncée. Et encore ! L'arrêt ne dit pas tout, les hauts magistrats ne répondant qu'aux questions qu'on leur pose, mais sur un sujet comme l'aménagement du temps de travail, le CHSCT, lui aussi, aurait dû être consulté.
Dans un arrêt du 5 mars 2008, elle vient en effet de décider que la dénonciation d'un accord collectif ne peut intervenir avant que le comité d'entreprise n'ait été consulté, dans la mesure où l'accord en question porte sur un domaine figurant dans ses attributions.
Les sociétés OCE Business et OCE France forment, depuis un jugement du 20 novembre 2003, une unité économique et sociale. Avant ce jugement, chacune d'elles avait conclu, en janvier 2000, un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail qu'elles vont dénoncer, l'une en novembre 2003, l'autre en mars 2004. En novembre 2005, elles consultent le comité d'entreprise commun à propos d'une note de service qu'elles comptent diffuser auprès du personnel et qui régira pour l'avenir la durée du travail dans l'entreprise.
Tollé des syndicats qui reprochent à l'employeur d'avoir agi de façon discrétionnaire et saisissent le juge des référés en vue de faire annuler cette note de service. Constatant que l'accord portait sur la durée du travail et que ce sujet fait expressément partie des thèmes sur lesquels le comité d'entreprise a un droit de regard, la cour d'appel n'annule pas la note de service comme le demandaient les syndicats, mais ordonne son retrait dans les huit jours de la publication de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 1.000 euros par jour.
On comprend que l'employeur soit un peu déconcerté : en effet, l'action des syndicats intervient près de deux ans après la dénonciation des accords ARTT, au moment où il se disposait à mettre en place de nouvelles règles sur lesquelles, justement, il consultait le comité d'entreprise.
Selon lui, en 2003 ou en 2004, il n'y avait pas lieu de solliciter l'avis du CE : en effet, la loi est faite de telle sorte que les effets d'une dénonciation ne se font pas sentir immédiatement. Il faut compter d'abord un préavis de trois mois, puis ce qu'on appelle « le délai de survie » qui dure un an. Au moment donc où il a exercé son droit de dénonciation - car c'en est un -, il n'y avait pas lieu d'en référer au comité, puisque les règles en vigueur dans l'entreprise restaient inchangées.
A ses yeux, donc, ce n'est pas le fait de dénoncer qui doit donner lieu à une consultation, mais le fait de modifier le mode de vie dans l'entreprise. C'est une thèse qui se tient.
Mais celle des syndicats ne manque pas non plus de mérites : pour eux, il importe peu que la dénonciation ait des effets différés, elle porte en germe un changement, et c'est donc avant de passer à l'acte que le chef d'entreprise doit s'adresser pour avis aux représentants du personnel, faute de quoi ils sont mis devant le fait accompli.
De l'information à la consultation
La Cour de cassation opte pour cette façon de voir et proclame que l'employeur doit consulter le comité avant toute dénonciation d'accord. Ce faisant, elle marque une avancée par rapport à ce qu'elle avait dit il y a une quinzaine d'années. Dans un arrêt du 20 octobre 1993, en effet, elle avait jugé que « le caractère discrétionnaire de la dénonciation d'un accord collectif de travail n'était pas incompatible avec l'obligation préalable d'information du comité d'entreprise qui, sans remettre en cause le droit de la dénonciation appartenant aux signataires de l'accord, a seulement pour objet de permettre un échange entre employeurs et représentants des salariés sur les questions en débat ».
On le voit, on est passé de l'information à la consultation, du simple échange de vues à l'expression d'une opinion sur laquelle les membres du comité votent, du débat sans conséquences à la demande d'avis sans laquelle l'opération projetée peut être suspendue par le juge.
La boucle est donc bouclée : le 5 mai 1998, on avait appris, grâce à l'arrêt EDF, que le comité d'entreprise devait être consulté avant la naissance (c'est-à-dire la signature) d'un accord. On sait aujourd'hui qu'il doit l'être aussi avant sa mort annoncée. Et encore ! L'arrêt ne dit pas tout, les hauts magistrats ne répondant qu'aux questions qu'on leur pose, mais sur un sujet comme l'aménagement du temps de travail, le CHSCT, lui aussi, aurait dû être consulté.