L’IA et l’emploi : un sujet aux contours flous
L’intelligence artificielle n’est plus une idée futuriste. Elle s’invite déjà dans la vie quotidienne des entreprises : logiciels de tri de candidatures, outils de planification automatisée, algorithmes de gestion de la performance ou encore assistants virtuels. Ces usages bouleversent en profondeur les pratiques professionnelles.
Le discours institutionnel met en avant la complémentarité entre l’homme et la machine : l’IA serait un soutien, un moyen d’éliminer les tâches répétitives pour se concentrer sur les missions à forte valeur ajoutée.
Pourtant, la réalité est plus nuancée. Dans plusieurs secteurs – banque, logistique, santé, ressources humaines, industrie – la mise en œuvre de ces technologies s’accompagne de réorganisations, parfois de suppressions de postes ou d’une intensification du travail.
La question n’est donc plus de savoir si l’IA aura un impact sur l’emploi, mais comment ce changement sera géré et avec quelle vigilance sociale.
Mythe ou réalité : quel est le vrai impact sur l’emploi ?
Les études convergent sur un constat : l’IA ne détruit pas forcément l’emploi, mais elle le transforme en profondeur.
Selon le Forum économique mondial (2024), près de 80 millions d’emplois pourraient disparaître d’ici 2027, mais 90 millions de nouveaux postes seraient créés. En France, la Dares estime qu’un emploi sur deux sera partiellement transformé par l’automatisation dans les dix prochaines années.
Le risque principal n’est donc pas la suppression massive d’emplois, mais leur mutation rapide. Les compétences demandées changent, les outils évoluent plus vite que les pratiques et le stress lié à l’adaptation augmente.
Le véritable enjeu devient alors celui de la formation et de l’accompagnement du changement.
Sans stratégie de montée en compétences, cette mutation peut engendrer des inégalités professionnelles, une perte de sens et une dégradation du bien-être au travail.
Les obligations légales de l’employeur et les droits du CSE
Le Code du travail encadre strictement les projets technologiques qui modifient l’organisation du travail. L’introduction d’outils d’intelligence artificielle en fait partie.
Information et consultation du CSE
L’article L.2312-8 du Code du travail impose à l’employeur d’informer et de consulter le CSE sur tout projet affectant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. L’implantation d’un logiciel ou d’un système d’IA relève clairement de cette obligation.
Recours à un expert
L’article L.2315-96 autorise le CSE à recourir à un expert habilité en santé, sécurité et conditions de travail lorsqu’un projet modifie significativement les conditions de travail.
Cette expertise permet d’évaluer les impacts réels sur l’emploi, les compétences, la santé mentale et la charge cognitive.
Formation et employabilité
L’article L.6321-1 rappelle que l’employeur doit assurer le maintien de l’employabilité des salariés. Le CSE peut donc exiger un plan de formation adapté à l’évolution technologique et à la montée en compétences des équipes.
Le rôle du CSE : passer de la réaction à l’action
Trop souvent, le CSE est informé une fois la décision prise. Pourtant, son rôle est déterminant pour anticiper, contrôler et orienter la transformation numérique.
Anticiper les projets d’IA
Le CSE peut exiger que toute innovation technologique susceptible de modifier les conditions de travail soit présentée en amont. Il peut demander la cartographie des postes concernés, l’analyse des tâches automatisées et l’identification des nouveaux besoins en compétences.
Évaluer les effets humains et sociaux
Le CSE doit veiller à ce que les impacts sur la santé mentale, la charge de travail, la cohésion et le sens du travail soient évalués. L’IA doit être intégrée dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
Négocier des garanties collectives
Les élus peuvent proposer un plan de formation, des engagements sur le maintien des effectifs, la mise en place d’indicateurs de suivi de la QVCT et des mesures de prévention des risques psychosociaux.
Le CSE devient alors un acteur stratégique de la régulation sociale : il ne s’oppose pas à la technologie, mais veille à ce qu’elle reste au service du travail humain.
Exemple concret : l’automatisation RH, un cas d’école
Dans une entreprise de services, la direction a introduit un logiciel d’IA pour trier les candidatures.
L’objectif affiché était d’améliorer le recrutement et de réduire les biais.
Mais rapidement, les élus ont observé plusieurs effets inattendus :
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baisse du volume de missions confiées aux chargés de recrutement ;
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sentiment de perte de sens du travail ;
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stress accru lié aux indicateurs de performance imposés par l’outil.
Le CSE a alors mandaté un expert Instant CSE pour réaliser un diagnostic d’impact.
Les résultats ont conduit à une révision du projet :
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la validation humaine des recrutements a été réintroduite ;
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un plan de formation a été instauré ;
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les indicateurs de charge mentale ont été intégrés au suivi social de l’entreprise.
L’intervention du CSE a permis de concilier innovation technologique et respect du travail humain.
En conclusion : l’IA ne détruit pas l’emploi, elle redéfinit le travail
La peur de l’IA est souvent exagérée, mais elle reflète une inquiétude légitime : celle d’un changement subi plutôt qu’accompagné.
L’intelligence artificielle n’élimine pas l’emploi, elle en redessine les contours.
Le véritable enjeu est d’assurer que cette mutation se fasse dans des conditions équitables, respectueuses de la santé et du bien-être des salariés.
Le CSE a un rôle majeur à jouer dans cette régulation : informer, consulter, négocier et anticiper.
En s’appuyant sur l’expertise d’un partenaire comme Instant CSE, les élus peuvent s’appuyer sur une analyse indépendante, à la fois technologique, juridique et sociale.
L’IA ne doit pas être subie, mais maîtrisée. C’est à cette condition qu’elle deviendra un levier de progrès social et de performance durable.