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L’employeur peut-il obliger un salarié à passer un éthylotest ?

Mardi 11 Octobre 2022

Le recours à l’éthylotest peut être prévu par le règlement intérieur si 3 conditions sont réunies : L’introduction et la consommation d’alcool doivent être interdites sur les lieux de travail par le règlement intérieur ; Le règlement intérieur doit déterminer précisément quels salariés peuvent être soumis à un éthylotest.


L’employeur peut-il obliger un salarié à passer un éthylotest ?
L’employeur peut-il obliger un salarié à passer un éthylotest ?
Un éthylotest est une technique d'évaluation de l'alcoolémie par mesure du taux d'alcool dans l'air expiré. Dit autrement, il s’agit de « souffler dans un ballon ». C’est une mesure qui est moins invasive que pourrait l’être par exemple une prise de sang.
Que dit le code du travail sur la consommation d’alcool ?
Deux articles sont à retenir sur ce sujet :
  • « Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse » (C. trav., art. R. 4228-21) ;
  • « Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail » (C. trav., art. R. 4228-20).
Quand la consommation d’alcool est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à la santé physique et mentale des travailleurs, au regard de son obligation de sécurité, l’employeur peut prévoir « dans le règlement intérieur, ou à défaut, par note de service, les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident. » (C. trav. art. R. 4228-20).

Cet article du code du travail insiste sur le fait que la prévention doit être dimensionnée par rapport au risque : « les mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché. »

A noter que ces articles sont à rapprocher de l’article L. 4212-1 du code du travail sur l’obligation de sécurité de l’employeur.
Les juges ont donné le « mode d’emploi » de ces articles du code du travail, en prenant en compte que ceux-ci restreignent les libertés individuelles.

Un éthylotest… oui, mais sous conditions

Compte-tenu de la restriction aux libertés individuelles et du côté invasif de demander à quelqu’un de « souffler dans un ballon », le dépistage du taux d’alcool avec un éthylotest ne peut être imposé au salarié que sous certaines conditions.
Il faut que ce soit prévu par une clause du règlement intérieur, ou par une note de service pour les entreprises non assujetties à l’obligation d’avoir un règlement au regard de leur effectif (en dessous de 50 salariés). Le règlement est un outil indispensable de prévention en la matière.

En dehors de la mention dans le règlement intérieur, le Conseil d’Etat indique que l’usage d’un éthylotest « ne pourrait être justifié qu’en ce qui concerne les salariés occupés à l’exécution de certains travaux ou à la conduite de certains machines ». Le règlement intérieur doit préciser les produits et/ou les outils visés (ex. : produits chimiques, machines de production, engins de conduite). Le but est de protéger la santé des travailleurs en prévenant ou en faisant cesser immédiatement une situation dangereuse. On n’est pas sur un terrain disciplinaire (CE, 1er févr. 1980, n° 06361).

Pour la Cour de cassation, l’utilisation d’un éthylotest est licite dès lors que qu’elle a été prévue dans le règlement intérieur et qu’au regard des fonctions occupées par le salarié, un tel état d’ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger de sorte qu’il peut constituer une faute grave. Elle ajoute que le salarié doit pouvoir contester ce contrôle. La Haute juridiction rappelle aussi que le salarié a une obligation de sécurité tant envers lui-même qu’envers son entourage (C. trav., art. L. 4122-1). Dans ce cadre, un contrôle positif peut déclencher une sanction disciplinaire. L’éthylotest est donc un mode de preuve licite qui permet de sanctionner un salarié. (Cass. Soc., 22 mai 2022, n°99-45.878).

Pour des raisons techniques, le contrôle peut avoir lieu en dehors des locaux de l’entreprise, par exemple dans les locaux d’une gendarmerie, si l’éthylomètre de l’entreprise n’est pas disponible car il est en révision (Cass. soc., 31 mars 2015, n°13-25.436).

Points de vigilance sur le règlement intérieur

Il convient de veiller aux règles d’affichage (C. trav., art. R 1321-1) et de dépôt au conseil de prud’hommes (C. trav., art. R 1321-2°) du règlement intérieur.

Ainsi, le licenciement d’un chauffeur de poids lourd (licencié après un éthylotest positif) a été invalidé car il a été démontré que le règlement intérieur n’avait pas été affiché (CA Rennes, 14 janv. 2015, n°14/00618).
Aussi, un règlement intérieur non déposé au greffe du conseil de prud’hommes peut rendre dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié fondé sur un éthylotest positif (Cass. soc., 4 nov 2015, n°2014-18.574).
Globalement, la rédaction du règlement intérieur doit être soignée. Par exemple, dans une affaire, le règlement intérieur précise qu’un contrôle d’alcoolémie (pour faire cesser une situation dangereuse) ne peut être fait qu’en cas d’état d’ébriété apparent du salarié. Or, en l’espèce ce n’était pas le cas, donc les juges ont requalifié la rupture du contrat de travail (Cass. Soc., 2 juillet 2014, n°13-13.75).

La jurisprudence précise au fil de l’eau les modalités de réalisation d’un éthylotest.

Ainsi, n’est pas valable un contrôle d’alcoolémie au moyen d’un éthylotest non vérifié depuis un an (CA Aix-en-Provence, 2 déc. 2016 n°15/03482).
Enfin, l’employeur n’est pas tenu de préciser que l’éthylotest s’effectuera en présence d’un tiers (CE, 1er juil. 1988, n°80445).
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