Une affaire emblématique : l’évaluation du prix dans une OPR contestée
Dans cette affaire, un actionnaire minoritaire (M. X) contestait la décision de l’AMF du 6 juin 2025 ayant déclaré conforme le projet d’OPR visant les actions Tarkett.
Au cœur du recours :
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l’indépendance de l’expert chargé d’évaluer le prix proposé aux actionnaires,
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la pertinence des méthodes de valorisation retenues,
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la composition du comité ad hoc,
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l’influence des banques présentatrices.
La Cour d’appel rejette intégralement le recours et confirme la conformité de l’opération, en s’appuyant sur une analyse extrêmement détaillée de la procédure suivie.
L’indépendance de l’expert : un enjeu central parfaitement examiné
1. La désignation de l’expert : procédure régulière
La Cour rappelle que lorsqu’un comité ad hoc ne peut être valablement constitué — faute d’une majorité de membres indépendants — la société peut saisir l’AMF pour valider la nomination d’un expert indépendant.
C’est ce qui a été fait ici : l’expert a été désigné par le conseil de surveillance, puis validé par l’AMF.
👉 Conclusion : l’argument sur la composition du comité ad hoc est inopérant.
2. L’indépendance financière : pas de dépendance démontrée
Le requérant soutenait que l’expert réalisait trop de missions pour les mêmes banques présentatrices (BNP Paribas, Société Générale).
Mais la Cour rappelle deux principes essentiels :
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l’indépendance ne s’apprécie pas uniquement au regard des missions d’expertises indépendantes ;
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le requérant doit prouver concrètement une dépendance financière.
Or, aucune preuve n’est rapportée. La rémunération n’était pas excessive ni conditionnée à l’issue de l’offre.
3. L’expert pouvait échanger avec l’initiateur
La loi autorise les échanges entre l’expert et l’initiateur pour clarifier les éléments du prix.
La Cour note que :
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le prix a été relevé de 16 à 17 euros,
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les actionnaires minoritaires ont été informés,
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un addendum de l’expert a répondu à toutes les observations reçues.
👉 Aucune atteinte à l’indépendance n’est démontrée.
Méthodes de valorisation : un travail jugé sérieux, clair et conforme
La Cour rappelle fermement le rôle de l’expert : il n’est pas là pour faire un audit, ni pour reprendre les méthodes comptables internes de la société, mais pour appliquer une approche multicritères conforme au RGAMF.
Méthodes retenues :
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DCF (actualisation des flux de trésorerie) : méthode principale.
→ Justifiée et détaillée, adaptée à la société Tarkett. -
Comparables boursiers : utilisée, avec une adaptation pertinente via le ratio EBITDA-CAPEX.
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Transactions comparables : utilisées à titre indicatif, ce qui est conforme aux pratiques AMF.
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Objectifs des analystes : pris en compte à titre complémentaire.
Toutes les critiques du requérant sont rejetées.
Une décision qui sécurise la gouvernance des opérations de marché
L’arrêt confirme plusieurs enseignements importants :
1. L’AMF n’est pas juge du prix, mais de la conformité de la procédure.
Elle contrôle la cohérence des méthodes, pas le résultat chiffré final.
2. L’expert indépendant joue un rôle pivot.
Son attestation équivaut à une garantie pour les actionnaires.
3. Le contradictoire a pleinement fonctionné.
Plus de 50 actionnaires minoritaires ont pu faire valoir leurs observations.
4. La Cour renforce la sécurité juridique des opérations publiques.
En rejetant les arguments relatifs à l’indépendance et à la valorisation, elle confirme que l’expertise financière doit rester technique, objective et guidée par les règles AMF.
Pourquoi cet arrêt concerne aussi les élus du CSE ?
Même si la décision porte sur une société cotée, elle éclaire trois enjeux essentiels pour les CSE et CSE-C :
1. Comprendre l’entreprise : ses comptes, ses méthodes de valorisation, ses stratégies.
Dans bien des secteurs — santé, public, privé — la stratégie financière impacte directement :
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les investissements,
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l’emploi,
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la politique salariale,
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les restructurations.
2. S’entourer d’experts lors d’opérations sensibles.
Qu’il s’agisse de :
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cessions,
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fusions,
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restructurations,
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fermetures ou transferts d’activités,
les élus doivent pouvoir analyser des données financières complexes.
3. Se former pour maîtriser les enjeux financiers.
L’article L.2315-63 du Code du travail permet au CSE de recourir à un expert rémunéré par l’employeur pour toute opération économique importante.
👉 Instant-CE accompagne les élus pour analyser, comprendre et anticiper ces décisions qui peuvent impacter les salariés.
L’arrêt du 20 novembre 2025 rappelle que la protection des actionnaires et la transparence financière reposent sur trois piliers :
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un expert réellement indépendant,
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un contrôle strict de l’AMF,
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un débat contradictoire ouvert.
Pour les CSE, la leçon est claire :
dans un paysage où les décisions stratégiques deviennent de plus en plus financières et techniques, les élus doivent monter en compétence et s’appuyer sur des experts fiables.
Instant-CE est là pour les accompagner, analyser les dossiers sensibles et sécuriser leurs prises de position.

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