La Cour de cassation et les témoignages anonymisés : un arrêt d’importance pour les élus du CSE
Dans une nouvelle décision de la Cour de cassation (pourvoi n°23-15.154), rendue publique le 11 décembre 2024, le rôle des comités sociaux et économiques (CSE) dans la défense des droits des salariés face à des conditions de travail dégradées est mis en lumière. Cette affaire, qui oppose le CSE d’établissement de GRDF à l’entreprise elle-même, aborde la question sensible des témoignages anonymisés et de leur place dans les débats judiciaires. Retour sur cette affaire et sur les enseignements qu’elle apporte.
Contexte du litige : recours à une expertise pour risque grave
En novembre 2022, le CSE d’établissement DR-DCT Est de GRDF a décidé, par délibération, de recourir à une expertise pour risque grave. Cette décision était motivée par des conditions de travail jugées alarmantes : surcharge de travail, pression managériale constante et moyens professionnels inadéquats. Des témoignages anonymisés de salariés venaient appuyer cette démarche.
Cependant, GRDF a saisi le tribunal judiciaire de Nancy pour contester cette délibération et demander l’exclusion des témoignages anonymisés des débats, au motif qu’ils ne respectaient pas le principe du contradictoire.
La décision du tribunal judiciaire et son annulation
Le tribunal judiciaire de Nancy, dans une ordonnance du 18 avril 2023, avait déclaré les témoignages anonymisés irrecevables, privant ainsi le CSE d’un élément essentiel pour prouver l’existence d’un risque grave. Cette décision avait aussi entraîné l’annulation de la délibération du CSE.
La Cour de cassation a, cependant, annulé cette décision en rappelant des principes clés :
- Recevabilité des témoignages anonymisés : Les témoignages anonymisés peuvent être admis dans le cadre d’un procès à condition qu’ils soient corroborés par d’autres éléments probants. La Cour a précisé que l’anonymisation vise à protéger les salariés contre d’éventuelles représailles.
- Respect du principe du contradictoire : Bien que l’entreprise n’ait pas pu accéder à l’identité des témoins, elle a pu discuter le contenu des témoignages. Ainsi, la démarche du CSE ne violait pas le principe du contradictoire.
- Protection des salariés : La Cour a souligné que la priorité devait être donnée à la protection des salariés lorsque leur santé et leur sécurité sont en jeu.
Implications pour les élus du CSE
Cette décision renforce le rôle du CSE dans la prévention des risques professionnels et la protection des salariés. Voici quelques enseignements pratiques :
- Renforcement des stratégies de preuve : Les élus du CSE doivent s’assurer que leurs preuves, y compris les témoignages, sont étayées par d’autres éléments concrets.
- Sensibilisation des salariés : Il est essentiel d’informer les salariés sur leurs droits à témoigner anonymement tout en garantissant leur sécurité.
- Recours à des experts : Le soutien d’experts indépendants peut être décisif pour appuyer les actions du CSE.
Conclusion : une avancée pour la défense des salariés
En annulant la décision du tribunal judiciaire de Nancy, la Cour de cassation a affirmé la légitimité des CSE à recourir à des témoignages anonymisés pour défendre les intérêts des salariés. Cette jurisprudence ouvre la voie à une meilleure protection des conditions de travail, tout en renforçant le rôle des élus dans la prévention des risques. Les élus du CSE, en tant qu’acteurs de proximité, disposent ici d’un levier essentiel pour agir efficacement au service des salariés.