Anticiper pour mieux agir : La consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise

Sommaire

1. Introduction : replacer le CSE dans la gouvernance stratégique

2. Fondements juridiques de la consultation

3. Ce que recouvrent les orientations stratégiques

4. Enjeux pour les élus du CSE

5. Enjeux pour l’entreprise

6. Méthodologie de consultation : calendrier, documents, expertise

7. Cas pratiques et jurisprudence

8. Conclusion : construire une parole collective stratégique

9. Annexes : textes de référence, modèles d’avis, outils pratiques

Depuis les ordonnances Macron (ord. n°2017-1386 du 22 septembre 2017), le CSE s’est vu confier des prérogatives étendues, dont l’une des plus structurantes est la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

Cette consultation triennale, inscrite à l’article L.2312-24 du Code du travail, ne doit pas être sous-estimée : elle place les représentants du personnel au cœur des décisions à moyen et long terme qui vont impacter les emplois, l’organisation, les compétences et parfois la pérennité même de l’établissement.

2.1 Texte de référence

Article L. 2312-24 du Code du travail
« Le comité social et économique est consulté chaque année sur les orientations stratégiques de l'entreprise. Cette consultation porte sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à des contrats temporaires, des sous-traitants, ou des prestataires externes. »

2.2 Liens avec la BDESE

Les informations nécessaires à cette consultation doivent être disponibles dans la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE) (article R.2312-8 du Code du travail). En l'absence d'accord, le contenu est déterminé par la loi.

2.3 Possibilité de recours à un expert

L’article L.2315-87 permet au CSE de faire appel à un expert-comptable pour analyser les orientations, aux frais de l’employeur.

Les orientations stratégiques ne sont pas uniquement les projets d’investissement ou les fusions-acquisitions. Elles englobent :

• Les évolutions du business model (ex. : virage numérique, internationalisation) ;

• Les décisions en matière d’automatisation ou d’intelligence artificielle ;

• Les politiques d’emploi (restructurations, plan de départs, alternance) ;

• Les projets environnementaux ou de responsabilité sociétale (RSE) ;

• Le recours croissant à la sous-traitance ou au travail externalisé.

• Anticiper les impacts sociaux : suppressions d’emplois, mobilités contraintes, perte de compétences collectives.

• Interroger les finalités des choix stratégiques : au service de la performance financière ou du développement durable ?

• Préserver la qualité de vie au travail : attention aux réorganisations brutales.

• Construire une contre-expertise : proposer un scénario alternatif crédible.

• Renforcer le pouvoir de négociation : s’appuyer sur l’avis stratégique pour influencer les futures négociations (accord GPEC, PSE, transitions écologiques...).

• Légitimer les décisions stratégiques auprès des représentants du personnel.

• Identifier les risques sociaux ou juridiques liés à certains projets.

• Créer un climat de confiance dans un contexte incertain.

• Anticiper les évolutions de l’emploi et des compétences.

• Répondre aux obligations de transparence dans le cadre RSE ou de la certification.

6.1 Calendrier-type

• 1 à 3 mois avant la consultation : accès aux données via la BDESE ;

• Réunion plénière de présentation par la direction ;

• Demande éventuelle d’expertise (dans les 10 jours) ;

• Réunion(s) préparatoire(s) entre élus ;

• Délibération en séance plénière du CSE avec avis motivé.

6.2 Documents clés

• Plan stratégique ;

• Plan de charge RH ;

• Tableaux de sous-traitance ;

• Données de transformation numérique ;

• Études internes ou de marché.

6.3 L’expertise : un droit et un appui stratégique

L’expert-comptable peut être mandaté sur le fondement de l’article L.2315-87 pour « assister le comité dans sa compréhension des orientations stratégiques de l'entreprise ». Il est rémunéré par l’employeur.

• Cass. soc., 28 sept. 2017, n° 16-14.857 : la consultation sur les orientations stratégiques ne peut être éludée au motif qu’aucun changement n’est prévu.

• Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 21-14.041 : un avis non rendu n’empêche pas la direction d’avancer, mais affaiblit considérablement le poids des représentants.

• Exemple de terrain : un CSE d’un groupe agroalimentaire a réussi à bloquer l’externalisation d’un service logistique en s’appuyant sur une contre-analyse stratégique et une proposition de mutualisation interne.

La consultation sur les orientations stratégiques est l’un des rares espaces où les représentants du personnel peuvent confronter la direction sur la trajectoire globale de l’entreprise. Pour cela, les élus doivent passer du suivi à l’anticipation, du commentaire à l’argumentation.

Ce livre blanc vous propose de transformer cette consultation en levier d’influence, en outil de vigilance, et en vecteur de propositions alternatives. Car dialoguer, ce n’est pas consentir : c’est éclairer, contester parfois, mais surtout construire ensemble.

• Extrait du Code du travail (articles L.2312-24, R.2312-8, L.2315-87)

• Modèle d’avis motivé du CSE

• Grille d’analyse des orientations stratégiques

• Fiche technique : comment mobiliser un expert-comptable ?

• Modèle de calendrier de consultation