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Nouvelles formes d'organisation du travail, souffrance au travail et orientation

Christophe Dejours : Ce qu’il va expliquer est issu de travaux d’enquêtes avec une méthodologie très particulière. C’est une recherche portant sur le discours subjectif des personnes.



Nouvelles formes d'organisation du travail, souffrance au travail et orientation
Il y a une responsabilité particulière dans le malheur, le chômage et la pauvreté. La question est comment est-il possible que notre société admette sans grand mouvement populaire cette situation.
Cette situation existe depuis 15 ans. L’hypothèse explicative, c’est que le travail est un amortisseur et il a des effets de démobilisation.

Quelles sont les incidences de la souffrance sur l’action ?
La souffrance, causée par le travail. Habituellement on pense que la souffrance est un résultat de l’action, que c’est une issue anecdotique. Dejours pense au contraire qu’il y a un au delà de la souffrance. Elle est une origine d’un nouveau processus, c’est un point de départ de tout travail en fait.
On peut dire que la souffrance c’est un ressort pour l’intelligence, pour la créativité. Le sujet se défend face à la souffrance.

Il y a une nouvelle forme d’évaluation qui s’installe.
Les opérateurs doivent accepter de donner eux-mêmes des éléments d’évaluation sur leur propre activité. Il y a un auto-contrôle. De plus il y a une présence du client. Il y a un rapport à la clientèle qui s’est introduit dans le travail, pas seulement avec le client « extérieur », mais aussi en interne de l’entreprise. Les rapports entre les services sont des rapports de clientèle.

Enfin il y a la direction par objectif. Il y a une autonomie dans le cadre des objectifs.

La question est comment obtenir la coopération des acteurs ?
Il y a deux réponses :
- Pour certains, il y a des avantages. L’évaluation étant individuelle, certains éprouvent une « justice », la mesure est plus précise. La progression de la polyvalence. Il y a une autre répartition du pouvoir, et tout le monde est gagnant.
- Pour d’autres, c’est un marché de dupes. Au fond on se débarrasse des problèmes sur les agents.

Et néanmoins pourquoi y a-t-il une coopération ?
Hypothèse : c’est la souffrance et en particulier au centre il y a la peur.
Pourquoi la peur ?
- peur d’être seul et de ne pas être à la hauteur ;
- peur parce qu’on est témoin de pratiques iniques. Il y a une décompensation psychique, ou bien il y a de la violence, du vandalisme, des suicides.
Parfois des suicides sur le lieu de travail. Et personne n’ignore dans l’entreprise ces comportements. Et pourtant c’est le silence.
Dans ces mêmes entreprises il existe un autre discours que celui du discours subjectifs qu’il recueille. C’est le discours gestionnaire.
Il y a un décalage entre ces deux discours. Et il constate que ce décalage s’accroît.

Cinq principes à ce discours gestionnaire :
- il y a déni du travail réel ;
- c’est une production d’une version. C’est de la publicité commerciale. C’est ce qu’on appelle la communication interne ;
- il y a effacement des traces ;
- il y a utilisation de média spécifiques, utilisant plus les images que le texte (texte très court) ;
- c’est un objet de rationalisation au sens de la justification. Souvent c’est un réalisme scientifique qui sous-tend ce discours.

Tout cela produit de l’incrédulité. On, le chercheur lui-même ne croit pas ce que les gens lui disent.

Pourquoi ça continue ?
Parce que ceux qui n’y croient pas ont peur.
Il y a une coopération à tous les étages.
L’acceptation est obtenue en-dehors de toute violence.

Il y a plusieurs formes de violences :
- la violence symbolique ;
- la domination symbolique
- la théorie de l’intériorisation de Talcot Parsons. Théorie critiquée par Patrick Pharo.
- la théorie de l’autorité de Stanley Milgram. C’est trop dans le principe de l’obéissance.

Pour Dejours, il faut introduire une autre théorie, celle basée sur la souffrance. C’est cette théorie qui peut expliquer au fond pourquoi les gens font le sale boulot.

Dans la mesure où le travail est accomplissement de soi, la souffrance au travail est une très grande souffrance. Travailler c’est éprouver la résistance du réel, c’est une mise à l’épreuve du sujet, c’est éprouver la vie en lui.

Citation de Maine de Biran qui discutait du cogito avec Descartes : C’est parce que je veux que je suis, et seulement après je pense.

Le travail est une reconnaissance sociale. C’est pourquoi il est essentiel que ce soit le travail lui-même qui soit reconnu. C’est cette reconnaissance qui permet le vivre ensemble. On peut ne pas apprécier une personne et reconnaître la qualité de son travail et la respecter ainsi.

La question de l’identité. Elle est produite par deux expériences : l’amour et le travail.
- Le danger, la peur de la perte du travail.
- La désolation : la perte du poste, la mise au placard. Le sol qui se dérobe. La participation au sale boulot.

Il y a trois stratégies de défenses pour engourdir. Les gens ne suspectent pas qu’il s’agit d’une défense, ils pensent qu’il s’agit de rituels appartenant au milieu dans lequel ils travaillent.

- Le cynisme viril. C’est une stratégie collective.
Montrer que l’on n’a pas peur. Ne pas avoir honte. Aller jusqu’à la provocation, on en rajoute, en faire plus que l’autre. Etre capable de résister à la haine. Mise en scène de cette capacité. Permet d’obtenir l’estimation des autres. Faire face au mépris. La face cachée, les élites. Dans ces regroupements, « cérémonies », il y a utilisation d’alcool. Engourdissement de la conscience. Le danger vient de celui qui ne boit pas, car il risque de dire ce qui ne doit pas être entendu.

- Le réalisme économique. C’est une stratégie collective.
Etre dans une implication. C’est une application scientifique. On utilise beaucoup de protocole scientifique dans les bilans, les sélections, l’évaluation... La culpabilité est retournée en suractivité. Il y a un obscurcissement de la conscience par la fatigue. Ceux qui n’appliquent pas les rigueurs de la « sciences » sont des mauviettes.

- Rétrécissement du champ de la perception. Avoir le nez dans le guidon, les oeillères. C’est une stratégie individuelle. Il faut bien penser que les conduites ont leur utilité. On est dans une rationalité pathique. Il y a une utilité pour les institutions.

Conflit de rationalité.
Que faisons-nous lorsque nous faisons de l’orientation ?
Sur quoi fonder ce travail ?
D’autant plus que l’horizon du travail vers lequel nous orientons est un univers dans lequel la capacité à subir, à infliger la souffrance sera sans doute très largement partagée.
Or travailler n’est pas seulement produire, mais aussi c’est vivre ensemble. Les gens ne sont pas des crétins sociaux (Coulon, l’ethnométhodologie). C’est pourquoi ils souffrent.

Il y a une continuité psychique entre le monde du travail et le monde privé. Qu’emporte-t-on des souffrances du travail dans le monde privé ?
Les enfants s’occupent de la santé mentale des parents. C’est leur plus grande préoccupation. C’est pourquoi la question qui a été posée à la fin de la conférence sur le rôle de l’école est complexe pour Dejours, car l’école ne "travaille"pas toute seule, elle travaille dans ce contexte social qui a des effets sur la famille, et l’enfant est le protecteur de la famille.
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Lundi 27 Octobre 2008 - 11:00
http://france.attac.org

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