Votre patron vous a licencié, mais ne vous a pas donné l'attestation Assedic, sésame indispensable pour être indemnisé par l'assurance-chômage ? Vous avez résilié votre abonnement téléphonique mais votre opérateur continue à vous réclamer son règlement ? Il vous en c oûtera désormais 35 euros pour porter l'affaire en justice en application de l'article 54 de la loi de Finances rectificative adoptée cet été. Objectif affiché par le gouvernement : financer l'aide juridictionnelle, dont le budget va beaucoup augmenter avec la réforme de la garde à vue. Cette nouvelle taxe, qui devrait rapporter plus de 85 millions d'euros, est subordonnée à la publication de son décret d'application, prévue début octobre.
C'est ce que veulent empêcher la CGT, la CFDT, la CGC, l'Unsa et Solidaires ainsi que le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France, qui y voient une grave brèche dans le principe français de gratuité de la justice. « Tout plaignant devra s'acquitter des 35 euros dès l'introduction de sa demande, avant même d'avoir vu le juge, sous peine d'irrecevabilité », souligne Patrick Henriot, du Syndicat de la magistrature, qui critique une taxe insignifiante pour les entrepr ises, mais qui pèsera sur le budget des particuliers.
Exonérations
Au total, entre 2,4 et 2,5 millions de procédures devraient être soumises à la taxe. Le législateur a exonéré les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle (moins de 900 euros de revenus mensuels) et écarté certains contentieux (surendettement, contentieux des étrangers et tutelles).
Les sept organisations syndicales se sont retrouvées hier à la Maison du barreau de Paris pour mettre au point une riposte commune. « Notre objectif est que le décret ne sorte pas », explique un des participants. Décision a été prise de rédiger un communiqué pour la fin de la semaine prochaine. FO n'a pas plus participé à cette rencontre intersyndicale mais n'exclut pas de signer ce texte. Les cinq syndicats de salariés, le SM et le SAF ont aussi « décidé d'écrire à tous les parlementaires pour leur demander de supprimer cette injustice considérable » lors de la discussion du budget 2012, précise Jean-Pierre Gabriel, qui représentait la CGT à la réunion d'hier. Vendredi dernier, à l'occasion de la réunion du Conseil supérieur de la prud'homie, le représentant de la chancellerie aurait assuré que ces 35 euros seraient intégrés dans les dépens (frais de justice) dont le juge peut exiger le remboursement par la partie perdante. Cela ne suffit pas à rassurer les opposants à la réforme, qui soulignent qu'il faudra faire l'avance de la somme pendant toute la procédure judiciaire, qui peut s'étaler sur des mois, voire des années.
Leïla de Comarmond et Marie Bellan ; Les Echos
Leïla de Comarmond et Marie Bellan ; Les Echos